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La Foi des Chrétiens

- Le mystère de Noël ***

 

De Latour, l'adoration des bergers Adoration des bergers par Georges de La Tour (1644)

La fête de Noël est célébrée le 25 décembre, au plus près du solstice d’hiver, depuis la décision du pape Libérius en 354, pour évincer les fêtes païennes de la naissance du soleil invaincu. En effet, pour les chrétiens, le soleil victorieux est Jésus le Christ.

Mais la Nativité du Seigneur a été célébrée bien plus tôt dans le Christianisme : bien plus tôt, c'est-à-dire, pas tout de suite ! En effet, l’épicentre de la foi chrétienne est la Résurrection de Jésus et c’est à partir de la Résurrection que les chrétiens ont compris la portée et la profondeur divine du ministère de jésus. C’est alors, que le mystère de sa personne s’est peu à peu laissé découvrir – et nous allons quelque peu expliquer le sens chrétien du mot « mystère » .

L’ouverture de chacun des évangiles « confesse » l’origine divine de Jésus

Marc : « Commencement de l’Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu »

Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu »

prologue de st JeanMatthieu et Luc, quant à eux, offrent chacun un récit de l’annonciation, de la naissance et de la petite enfance de Jésus. Ces récits ne se recoupent pas : ils sont très différents et puisent à des sources bibliques différentes. L’intention de Matthieu et de Luc n’est pas de fournir des renseignements sur la vie de Jésus et de ses parents, mais de proposer une série de scènes théologiques sur le fond de l’espérance d’Israël. Or, ces scènes nous donnent à saisir un renversement total de perspective : Plutôt que d'accorder à son peuple des victoires militaires ou d'envoyer encore des prophètes, Dieu lui-même vient à nous, ce qu’aucun prophète n’aurait osé imaginer ! Plus fort encore, et c’est l’un des motifs de ces deux récits, Dieu se fait l'un de nous : ce n’est pas un ange incarné (ce que disent les Témoins de Jéhovah) qui naît de Marie, mais le propre Fils de Dieu. Jésus n'est donc pas non plus un homme méritant qui aurait été « adopté » par Dieu, ce qu’ont professé certaines hérésies, mais le Fils unique, engendré, non pas créé, de même nature que le Père (Credo).

Les récits d'enfance insistent sur la lignée humaine du Fils de Dieu. Ses parents ont une famille. En accueillant cette naissance dont il n'est pas la cause, Joseph inscrit ce tout petit dans une descendance : celle du roi David.

Au long de la narration du ministère de Jésus et jusqu’à son procès et sa mort, l’origine divine de l’homme Jésus ne remplace jamais son humanité. Elle va se laisser découvrir par questionnements successifs pour aboutir à la confession de foi des témoins de sa mort et de sa résurrection : Il est vraiment Fils de Dieu cet homme !


Les représentations de Noël

icône russe nativitéL’Église nous donne à contempler le mystère de la naissance du Christ dans l’événement banal de la naissance d’un enfant. Comme pour la Résurrection, il n’y a pas de témoins de l’Incarnation : ces mystères sont cachés en Dieu. On représente Jésus sur la croix et les appariations du Ressuscité. Il y a peu de tableaux de Jésus ressuscitant. Ainsi, le mystère de l’Incarnation est suggéré dans la scène de l’Annonciation et dans les nombreuses représentations de la nativité. Le mystère chrétien est un mystère qui donne à voir puisque c’est un mystère « venu dans la chair », mais tout en demeurant mystère. La crise iconoclaste a été surmontée avec cette double conviction : Dieu veut être connu par les hommes (en se montrant) mais être connu comme Dieu (dans son mystère).

Les icônes russes de la Nativité nous invitent à entrer dans une méditation où le mystère de joie de l'Incarnation préfigure déjà la Pâque de notre rédemption. L'enfant est couché dans un berceau-sarcophage et sa Mère toute sainte ne peut voir de face le douloureux mystère où le Fils est seul Sauveurdu genre humain. 

Mais la lumière absorbe les ténèbres, annonçant déjà la Résurrection du Christ.

Le Mystère et le « voir »

Nos modes de regard

Nous sommes plongés dans une civilisation des sciences et des techniques. Pour entériner un résultat, affirmer l’existence de quelque chose, il faut avoir corroboré les observations multiples et en faire la synthèse. « Voir », recoupe tous ces modes observatoires. Il faut encore dire, qu’il ne s’agit pas de la simple observation oculaire : depuis plus d’un siècle, on sait que l’œil ne voit pas tout et transmet des informations faussées par la distance ou la lumière. « Voir », en régime scientifique est donc très large : connaissances historiques, biochimiques, structurelles etc.

« A moins de naître d’en-haut, dit Jésus à Nicodème, nul ne peut vois le Royaume de Dieu ». Cela signifie que ce que nous voyons habituellement ne nous ouvre pas directement à l’intelligence des réalités de la foi. Or, comme nous voulons absolument « voir » pour savoir et maîtriser la connaissance, nous nous accrochons à une manière de regarder qui nous empêche d’approcher et de comprendre. Le psychanalyste Denis Vasse montre qu’il y a une pulsion scopique, quelque chose qui peut faire de nous des « voyeurs », c'est-à-dire des boulimiques du voir, sans respect, sans discernement, sans autre velléité que celle de s’emparer de ce qui s’offre à notre regard. Or, si l’œil croit posséder ce qu’il voit, et en avoir fait le tour, le cœur quant à lui, ne se lasse pas de chercher et d’accueillir.

L’Évangile nous invite à un autre regard, un regard non possessif, un regard qui se laisse conduire dans le mystère ; le regard de celui qui se laisse emmener sans connaître d’abord le chemin : « Venez et vous verrez » Jn 1, 38). : « Un regard qui écoute », selon l’expression de Denis Vasse ; un regard qui se souvient, qui fait des liens. Celui qui regarde ainsi peut entrer dans le Mystère de l’Alliance. 

Le mystère divin n’est pas inaccessible

Lorsque nous parlons de « mystère », à quoi pensons-nous ? Incompréhensible, invisible, inaccessible, caché…

Dans l’Église ancienne, et en Orient, les « mystères » désignent les sacrements par lesquels d'une certaine manière, Dieu se donne à nous. Car qu'entend-on par sacrement ? Jésus est désigné, par sa présence et par ce qu'il est, comme le Sacrement de Dieu. Cette expression signifie que dans sa personne, c’est Dieu lui-même qui se rend présent. Dans ses paroles, ses gestes, c’est Dieu qui parle, qui agiit « à travers » ce que sont véritablement les paroles et les gestes de l’homme Jésus. Dans les sacrements célébrés par l’Église, c’est la toujours la présence réelle et agissante de Dieu qui est célébrée « à travers » nos rites et nos gestes humains, sous les signes du pain, de l’eau, de l’huile, de l’imposition des mains…

Voici comment le pape Paul VI décrivait ce qu’est un mystère chrétien :

« Une réalité imprégnée de la présence divine et qui doit offrir des explorations toujours nouvelles et plus profondes d’elle-même ».

Dans le langage chrétien, le mystère n’a donc rien de bizarre ni d’occulte. Il désigne toujours le Dieu vivant soit en lui-même soit venant vers l’homme. Pour cette raison, il ouvre l’intelligence sur un rapport toujours plus intime entre la relation et l’amour. Le mystère veut être saisi et non pas évité. Dieu Père attire chaque homme en son Fils, pour vivre en sa présence.

Saint François d'Assise eut l'idée de représenter la scène de Noël pour mieux faire mémoire de la réalité de l'Incarnation : c'est à lui que l'on doit la belle tradition des crèches.

_crecheDans la fragilité d’un tout petit, il nous est donné à voir et à entendre l’Évangile : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16). Les pères et les conciles ont peu à peu précisé le motif et les conditions de l’Incarnation. Ils ont compris la profondeur de la « philanthropie » de Dieu : « Dieu s’est fait ce que nous sommes pour que nous devenions ce qu’il est » :

O admirable échange !

Le Créateur du genre humain, assumant un corps et une âme

A daigné naître d’une vierge et, devenu homme sans l’intervention de l’homme,

Il nous a fait don de sa divinité. 

       Liturgie des Heures, antienne de l’Octave de Noël

 

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